Marianne 21 au 27 février 2009 p.60
Marianne : L’Afrique est-elle moins touchée que d’autres par la crise financière ?.
Sanou Mbaye : Les économistes orthodoxes le prétendent au prétexte que notre continent est à l’écart des grands circuits financiers et donc moins concerné par les fameux actifs toxiques à l’origine de la crise bancaire mondiale. Mais toute la zone CFA est une zone convertible ancrée à l’euro, et il y a déjà une crise des liquidités comme une restriction du crédit alors même qu’à peine 3% des Africains y ont accès ! Les spéculateurs vont rapatrier leurs capitaux, cela signifie moins d’investissements productifs et encore plus de pauvreté. Dans le même temps, les pays occidentaux vont fermer un peu plus leurs portes alors que l’Afrique reste pour l’instant principalement exportatrice de matières premières.
L’Afrique doit-elle recourir au protectionnisme ?
S.M. : Mais bien évidemment, à l’image du Brésil, de l’Inde ou de la Chine ! Voilà des années que les occidentaux nous invitent à ne surtout pas faire comme eux, c’est-à-dire à protéger leurs économies lorsqu’il le faut. Résultat : les cotons ougandais ou malien, parmi les meilleurs du monde, ne peuvent lutter à armes égales avec le coton américain largement subventionné. On nous a imposé un modèle libéral ou néolibéral de développement inadéquat et dont les règles, en outre, sont truquées !
Vous proposez la création d’un marché commun africain ?
S.M. : C’est la seule chance de nous en sortir et de redéfinir les rapports commerciaux plus équilibrés avec l’Occident. Cela prendra certes du temps car il remet en cause le pouvoir de nombreux dirigeants et dignitaires africains qui préfèrent la fragmentation actuelle pour préserver leurs privilèges. L’Union européenne a commencé à six, avec juste l’acier et le charbon. Pourquoi pas nous ?
Propos recueilli par Alain Léauthier