Les rumeurs faisant état d’une dévaluation du franc CFA se font de plus en plus persistantes.
Que peut-on en penser ?
Si l’on s’en tient aux simples indicateurs extérieurs, une dévaluation du franc CFA ne devrait pas être d’actualité. Les pays membres de la zone franc ont été assujettis à des programmes d’ajustement structurels tout au long des années 1980s et 1990s. Au prix de sacrifices énormes ces programmes ont servi à assainir les finances publiques. Le niveau d’endettement a baissé. Les réserves et les taux d’épargne ont augmenté. Les déficits sont sous contrôle et les économies ne sont pas menacées de récession.
Toutefois le franc CFA est arrimé à l’euro et certains pays de la zone européenne, incluant la France, la puissance de tutelle de la zone franc, sont confrontés à des problèmes d’endettement et de risque de récession économique, et plusieurs de leurs banques sont en difficulté. La France doit mettre en place un programme d’austérité draconien pour préserver sa notation financière de AAA qui lui garantit des conditions favorables d’emprunt dans les places financières. Donc en 1994 quand la France était confrontée a des difficultés économiques du fait de la politique du franc fort du franc français, elle peut également décider unilatéralement de la dévaluation du franc CFA si cela répondait à sa stratégie de réduction de son déficit budgétaire.
Sans industrie solide ni échanges intra-communautaires développés, modifier par une dévaluation la parité euro – FCFA ne viendrait qu’exacerber les problèmes auxquels ces pays doivent faire face, notamment une hausse accrue du coût de la vie et un taux de chômage qui ont déjà atteint des niveaux intolérables.
L’architecture du franc CFA repose sur la convertibilité, la libre transférabilité et un taux de change fixe surévalué. Ces dispositions entraînent une fuite massive de capitaux et une érosion de compétitivité qui limitent la capacité des pays à diversifier leurs économies et à créer de la valeur ajoutée pour se développer. Ainsi, les pays de la zone franc se révèlent incapables de prendre le train de la croissance au moment même où nombre de pays d’Afrique traversent la période économique la plus prospère de leur histoire. En effet, depuis 2000, les pays d’Afrique subsaharienne ont réalisé une croissance économique moyenne de 5-7 % comparée à 2,5-3% pour pays de la zone franc. Aucun des pays francophones ne figure sur la liste des sept parmi les dix pays qui afficheront les taux de croissance les plus élevés du monde de 2011 à 2015 : Chine (9,5 %), de l’Inde (8,2 %) et du Vietnam (7,2 %), Ethiopie : 8,1 % ; Mozambique : 7,7 % ; Tanzanie : 7,2 % ; Congo : 7,0 %; Ghana : 7,0 % ; Zambie ; 6,9 % ; Nigeria : 6,8 %.
Donc plutôt que de dévaluation, ce qui devait être à l’ordre du jour à propos du franc CFA devrait concerner l’abrogation pure et simple de la zone franc ou un programme de réformes drastiques dont les axes porteraient sur la suppression de la convertibilité et de l’arrimage au seul euro du taux de change fixe du franc CFA et sur l’accélération du processus d’intégration régionale.
Débat du jour sur RFI animé par Jean-François Cadet
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Invités :
- Sanou Mbaye, économiste, écrivain, ancien fonctionnaire de la Banque Africaine de Développement.
- Lionel Zinsou, économiste, président de PAI Partners.